À l’heure où Citroën Héritage vend quelques véhicules du Conservatoire pour préparer le déménagement et les futurs ambitions du patrimoine de la marque, Boîtier Rouge à voulu reprendre le volant de mythiques Citroën pour un ultime road trip à travers la France. Au menu des voitures très Boîtier Rouge, avec la XM de Navarro, la CX du GIGN et la CX Prestige.
Souvent les bonnes idées prennent naissance lors d’une conversation informelle. Début de semaine, le téléphone rouge de la rédaction sonne avec à l’autre bout du sans fil, Olivier, attaché de presse de la marque. Au menu de la conversation, les petites affaires courantes, caler un futur essai d’une nouveauté de la marque, prendre des nouvelles, et dériver assez rapidement sur l’article de Paul concernant la vente de certaines pièces du Conservatoire Citroën. Un sujet éminemment BR.
« Tiens pendant que je tiens Niko, ça te dit d’aller à Epoqu’auto à Lyon ? On se prend une voiture au Conservatoire et on descend là bas tous les deux ? »
Que voulez vous, depuis la nuit des temps l’homme a besoin de voyager. Depuis bientôt un siècle Citroën fabrique des voitures pour l’y aider. Et depuis longtemps quand il s’agit de faire des road trip improbables avec des voitures douteuses, on appelle ce bon vieux Niko. Le rendez vous est pris pour le Jeudi, fin de matinée Avenue de la Grande Armée : « J’ai pas de voiture pour l’instant mais on va bien trouver une BX ou une CX pour descendre. » Je dois l’avouer, je suis pas curieux dans ces cas là. Partir à l’aventure sur un coussin d’huile avec un gars qu’on aime bien chez BR suffit à me convaincre.
C’était tentant et en terme de logique éditoriale on est carrément sur de l’actualité chaude. Le Conservatoire Citroën a annoncé la vente de certaines pièces de la collection entreposée à Aulnay sous bois et depuis toute la planète auto se déchaîne (lire aussi : la vente de Citroën Héritage). Entre ceux qui n’impriment pas tout “il paraît que ça a été vendu une fortune ces voitures” (véridique, on nous a dit ça alors que la vente aura lieu le 10 décembre), ceux qui croient que le Conservatoire vend toutes les voitures, ceux qui confondent tout et certains même de nos confrères qui comparent une Xantia à la Joconde et les protos Sbarro à des œuvres perdues de Léonard de Vinci (véridique aussi), on assiste à une déferlante de poncifs et de contre vérités sur un sujet qu’il convient sûrement de traiter différemment et avec un peu de discernement. Quoi de mieux alors que de prendre une de ces bagnoles et d’aller rouler avec ?
Jeudi matin, Avenue de la Grande Armée.
Après une nuit courte comme une sieste suivie d’un trajet en train long comme un stage de récupération de points, je me retrouve avenue de la Grande Armée pour attendre mon équipier. La combinaison des bouchons Made in Hidalgo et d’un RER en panne nous a déjà mangé une heure sur le programme au moment où sa majesté XM pose ses pneus dans la contre allée en bas de l’historique siège de Peugeot, désespérément vide. Le monde change paraît il. Mon équipier a le sourire jusqu’aux oreilles, et moi aussi tant cette XM représente la France de mon enfance (lire aussi : Citroën XM V6).
Navarro j’écoute ?
Il n’est pas peu fier lorsqu’il m’annonce que cette XM n’est pas n’importe quelle XM mais bien celle de Roger Hanin dans Navarro. A l’époque Citroën avait réussi un joli coup en plaçant son produit emblématique dans un des programmes télé les plus regardés de l’hexagone. Et si les Français restèrent fidèles au commissaire pendant 18 ans de diffusions originales, Roger Hanin restera attaché à ce haut de gamme quasiment jusqu’à la fin, en remplaçant la XM d’origine par une série 2, celle là même que nous essayons aujourd’hui (Roger fera quelques épisodes en Renault Vel Satis, sacrilège). Grâce à un prêt du Conservatoire et en exclusivité, Boîtier Rouge sera le dernier conducteur de ce vaisseau avant sa mise en vente qui se tiendra aux enchères le 10 Décembre. L’occasion de s’offrir une sorte de rediffusion. En avant commissaire !
Ce haut de gamme n’a pas souffert des multiples enquêtes auxquelles il a participé et son kilométrage évolue légèrement au dessus de 120 000 kms. Après avoir vérifié si Roger n’avait pas laissé traîner un pétard dans la boîte à gants nous prenons la route, direction Lyon avec quelques arrêts prévus. Dans la circulation Parisienne, Olivier m’explique le programme. Sortir de Paris, me laisser le volant, rejoindre le patron de l’amicale des clubs Citroën à Toucy. La bas nous prendrons deux CX pour former un convoi jusqu’à Lyon. La XM de Roger n’a pas roulé depuis longtemps et comme cette virée n’était pas prévue, elle a reçu une simple préparation, “ah oui l’objectif c’est quand même de ne pas la casser, elle doit être vendue le mois prochain”.
Pendant que nous descendons vers le sud, je détaille la présentation de ce haut gamme Français sorti d’une époque où on essayait encore de concurrencer les allemands avec des produits qui ne ressemblaient pas à des allemandes. Depuis, on sait qui a gagné la guerre du premium. Le tableau de bord de cette version restylée n’a peut être pas le charme des premières XM mais il a beaucoup mieux vieilli. Le confort est toujours d’actualité. Les sièges sont bien étudiés et l’efficacité des suspension est un must du genre. La XM est sortie en 1989, trente ans plus tard la magie opère encore. Observez de près la qualité du cuir de la XM, comparez le à ce qu’on nous propose aujourd’hui et vous comprendrez que les critiques concernant la finition de l’époque du haut de gamme français peuvent être relativisées. Toutes les commandes électriques fonctionnent encore, et comble du luxe notre exemplaire possède un ensemble audio Clarion intégrant une télé ! De quoi se refaire un ou deux épisodes.
La reine de l’autoroute
L’heure est venue pour moi de prendre pleinement possession de la bestiole en me glissant derrière le volant à mon tour. Hormis le frein de parking constitué d’une pédale à gauche et d’une petite tirette sur le tableau de bord, ça se conduit “comme une voiture”.
Le cérémonial du démarrage est à lui seul un grand moment de technologie oubliée. On met le contact, la voiture démarre et on entend le circuit hydraulique se mettre en route. Une petite série de bruits discrets mais néanmoins inhabituels envahit l’habitacle pendant que le cul se lève. La disparition de la suspension Hydractive sur les Citroën modernes nous avait privé de ça depuis longtemps. Les petits “glouglous”, les “Zzzziiiiii”, ou les “Pschhiiiiittt” se succèdent et accompagnent les mouvements de caisses à l’arrêt. Nous décidons de prendre l’autoroute et je comprend alors pourquoi on appelait cette voiture “le TGV de la route”. La grosse berline semble montée sur des rails et rien ne vient perturber le voyage. Le confort est à la hauteur de la réputation de la marque. La voiture n’a pas roulé depuis longtemps et nous décidons d’adopter une allure de bon père de famille. En passant la barre des 100 après le premier péage une petite goutte de sueur fait son apparition sur mon front. En effet, ça marche moins bien d’un coup. En langage mécanique on pourrait parler de “broutage persistant entre 100 et 110 km/h”. Bonne nouvelle, à 130/140 ce phénomène disparaît totalement. Vas y donc pour 140. La berline Citroën s’apprécie également sur nationales et départementales. Ça tombe bien car nous avons décidé de sortir du réseau autoroutier pour un arrêt déjeuner dans le charmant village de Barbizon. L’endroit est très joli et vous y mangerez un très honnête poulet fermier au prix d’un steak haché d’autoroute à la salmonelle.
Sur les départementales la direction légère mais précise, l’amortissement souple mais efficace, la visibilité optimale offerte par les 13 vitres et les reprises toniques font merveille. Je serais moins affirmatif pour la consommation si j’en juge par la belle claque que la jauge a pris depuis notre départ.
Amicale Citroën
En arrivant à Toucy, patrie de Pierre Larrousse l’éditeur du petit dictionnaire qui porte son nom, la XM a repris du poil de la bête. Les chevrons sauvages sont décrassés et le broutage à disparu. Le futur propriétaire de cette XM V6 pourra remercier Boîtier Rouge pour ces quelques centaines de km de roulage qui lui ont fait tellement de bien. Je dois avouer que si je n’étais pas fauché j’aurais bien tenté un billet sur la belle. Elle est restée dans un état parfait et le plaisir procuré par la conduite de cette voiture inimitable me fait déjà regretter de redonner les clés. On ne peut s’empêcher de penser à cette carrière en demi-teinte alors que cette voiture était un bijou de technologie, de confort, de classe et l’engin idéal pour traverser le pays.
Si nous nous arrêtons dans ce petit village de l’Yonne c’est pour pénétrer au cœur même de l’histoire Citroën afin de comprendre l’héritage de la marque. Depuis toujours certains collectionneurs vouent un culte à la marque d’André Citroën. Les clubs sont tellement nombreux qu’ils font de la firme française la marque automobile la plus collectionnée au monde. Pour comprendre cet engouement, il fallait rencontrer une des figures de cette passion, Alain Thuret. Ici nous sommes au siège de l’amicale des clubs Citroën et DS France . Cette association fédère 50 clubs et 10 000 membres depuis 1983. Elle est chargée de faire le lien entre ces clubs, Citroën Héritage, les marques Citroën et DS, l’aventure Peugeot Citroën DS, la FFVE, la presse ou encore les organisateurs de salons ou d’événements. Il y a de tout dans ces 10 000 passionnés de la marque. De la Type A aux Youngtimers, du C15 à la DS, des autochenilles ou des autocars. Tant que les chevrons sont mis en avant et que la passion existe vous trouverez un club pour vous accueillir. Les missions de l’amicale peuvent aussi aider à trouver des réparateurs ou des pièces.
D’ailleurs le président qui nous accueille chaleureusement fait office de gardien du temple. Dans les bâtiments historiques d’une ancienne usine de bicyclettes, se trouvent les plus beaux modèles de la marque. Non seulement la collection est magnifique mais notre hôte les a pour la plupart restaurées scrupuleusement. Dans l’entrée trône une magnifique SM blanche, qui côtoie XM, Ami 6, HY ou CX. Les utilitaires ne sont pas oubliés avec des camions de la marque. Si une immense Cadillac côtoie une très noble Rolls, l’esprit Citroën flotte toujours dans l’air : “la Rolls a une suspension brevetée par Citroën”. Dans le couloir une autre pièce avec des dizaines de motos ayant couru en compétition nous mène vers un deuxième bâtiment où on découvre des DS absolument incroyables. Ici chaque boulon, chaque chrome ou enjoliveur et chaque détail est scrupuleusement et minutieusement travaillé. La DS sortie d’usine n’était sûrement pas aussi propre. Des années et des années de travail pour arriver à ce résultat sur des dizaines de voitures. Les camions de pompiers accompagnés d’une DS ambulance strictement conforme à l’origine finissent par enfoncer le clou. Oui la passion peut parfois virer à la folie. Une folie attachante, et dans ce cas, bluffante. Alors qu’avec Olivier nous pensions avoir tout vu, Alain nous emmène dans la salle des moteurs. Une pièce entièrement emplie de moteurs ayant marqué l’histoire de l’automobile. Tous ces moulins ont été démontés, repeints, astiqués pendant des heures. On imagine aisément le propriétaire des lieux chercher pendant des semaines la moindre petite pièce manquante.
On pourrait rester des heures à observer ce spectacle mais le temps ne se rattrape pas et un bruit de moteur parcourt la cour. Deux CX viennent de franchir le portail, une intriguante CX break bleu gendarmerie, un des rares exemplaires utilisés par le GIGN et une statutaire CX Prestige Turbo 2. L’homme qui descend de la berline est Hervé. Il nous accompagne pour la suite du road trip, mais ça c’est bientôt sur Boîtier Rouge.
Merci à Olivier Petit de Citroën, au Conservatoire Citroën de nous avoir fait confiance, à Alain Thuret de l’amicale Citroën et à Hervé.
N’hésitez pas à jeter un œil ici: L’amicale des Clubs Citroën et DS France