Au dernier étage du garage mythique qu’est le Grand Garage Rédélé de la rue Forest (lire aussi : le Grand Garage de la rue Forest), j’étais en train de mater dans les détails la nouvelle Citroën C3 Aircross dont c’était la première présentation officielle, lorsque qu’on tapait à mon épaule : c’était l’ami François Allain (Vintage Mecanic sur RMC Découverte) qui venait me dire bonjour et tailler une bavette. Après s’être donné de nos nouvelles, la discussion s’engageait, inévitablement, sur la C3, sa déclinaison Aircross, et d’une manière générale le nouveau positionnement de Citroën.

Avant de passer aux choses sérieuses, admirons la vue du Grand Garage Rédélé de la rue Forest, berceau d’Alpine
Aussi étonnant que cela puisse paraître, lui le propriétaire d’une DS21, moi conducteur au quotidien d’une C5 I phase 2, nous finissions par convenir que, malgré la disparition de la suspension dite hydropneumatique et son remplacement par de plus classiques amortisseurs à butée hydraulique, la place que tentait de prendre Citroën sur le marché n’était pas idiote du tout, et surtout plutôt raccord avec son histoire.
S’il est difficile de comparer les modèles d’aujourd’hui avec ceux d’hier tant les critères, le design, la technologie ont changé, les cibles et le positionnement, eux, sont comparables dans le temps. Lorsque Niko avait essayé la C3 (lire aussi : Citroën C3), j’avais fait le lien, inconscient, avec la Visa ou l’AX : deux modèles qui essayaient d’offrir une approche différente malgré des contraintes industrielles évidentes. En voyant ce C3 Aircross (qui tente légitimement de jouer avec les codes SUV à la mode actuellement), et en repensant à la fin de la C5 II, « dernière vraie Citroën selon certains », je repensais à l’histoire de Citroën d’après guerre.

Le concept C-Aircross présenté à Genève cette année et qui préfigurait le C3 Aircross
D’une certaine manière, il y a toujours eu des citroënistes d’en haut et des citroënistes d’en bas. Ceux qui ne jurent que par la DS, la SM, la CX, la XM puis les récentes C5 et C6 (et leurs suspensions, évidemment). Et ceux qui n’ont d’yeux que pour les 2CV, Dyane, Méhari, Ami6 ou 8, Visa, AX, ou Saxo. Deux visions pour une même marque. Dans les années 60 d’ailleurs, le vrai problème de Citroën, c’était bien le grand écart entre « bas de gamme » et « haut de gamme » (un problème résolu ensuite par la GS puis la BX).

La version définitive a perdu ses airbumps
Alors que DS devenait une marque à part entière, centrée sur le « premium » (ce qu’on appelait le haut de gamme il y a fort fort longtemps), il fallait donc que Citroën se recentre sur l’autre partie de son ADN : des voitures populaires mais différentes, apportant toujours une originalité que les autres n’avaient pas, dans le style notamment, mais aussi parfois le prix, ou l’utilité, ou l’astuce technique. Vitre arrière inversée (lire aussi : Ami 6), carrosserie en ABS (lire aussi : Méhari), moteur à piston rotatif (bon ok, pas longtemps, lire aussi : GS Birotor), volant monobranche, satellite de commande, recherche de la légèreté (BX puis AX), compteur « pèse-personne », autant de petites propositions qui n’étaient pas réservées à la gamme haute de Citroën.
J’avais apprécié le C4 Cactus à sa sortie pour sa fraîcheur et ses propositions décalées (lire aussi : C4 Cactus). Malgré des ventes en deçà sans doute des espérances (mais pas si mauvaises que cela), Citroën a tenu bon dans son idée : proposer autre choses que ce que font les allemands, et finalement tous les autres à leur suite. A Peugeot la charge d’aller taquiner le teuton sur le toucher de route, le design sérieux et le plaisir de conduite, à Citroën l’offre décalée, colorée, et d’une certaine manière le confort. Une lente reconstruction initiée avec le Cactus justement, et confirmée par la C3 et cette nouvelle déclinaison Aircross (je vous rappelle qu’elle remplace la C3 Picasso, ce qui devrait remettre les choses à leurs places).

L’Aircross Concept de 2015, présenté à Francfort
Alors bien sûr, tout n’est pas génial dans un monde qui n’est pas celui des Bisounours (on notera la disparition des airbumps sur la C3 Aircross, preuve que Citroën sait faire marche arrière, pourtant, moi j’aimais bien le concept), mais l’idée est là : petit à petit, Citroën se réinvente… et repense à la gamme haute malgré DS : le concept C Aircross de 2015 présenté à Francfort (qui préfigure le nouveau C5?) et celui, encore plus fou, présenté à Paris en 2016, le Cxperience, on verra si cela donne quelque chose en série.

La CXperience présentée à Paris en 2016
Ok, on n’est plus au firmament de la gloire de Citroën, les années 60 et le tout début des années 70 (mais rappelons-le, la marque fit faillite en 1974). Ok, l’innovation au sens propre du terme n’est plus l’apanage des chevrons… Mais le temps nous fait oublié les erreurs et les défauts, et nous focaliser sur des souvenirs forcément merveilleux : n’oublions cependant pas de regarder ce qu’il se passe ! Pour la première fois depuis le rachat de 1974 par Peugeot, on assiste à un réel positionnement des marques au sein du groupe, avec une mission claire pour chacune d’entre elle.
Après, reste la question subjective (et en attendant de tester moi-même les nouveautés Citroën) : est-on séduit par ce nouveau style (intérieur comme extérieur) ? En fait, oui et non. Oui car ce design est frais, parfois osé (tout en restant globalement convenu), en tout cas différent d’une concurrence interne (le groupe PSA) ou externe. Mais non pour ceux qui, comme moi, n’aime pas la tendance SUV (pour des raisons peut-être subjectives, je l’avoue) : je regrette le côté trop massif de ces modèles, donnant de fausses impressions de hauteur, de sécurité ou d’espace. En revanche, je suis très séduit par les intérieurs, qui sont gais sans être exubérants, et plutôt originaux notamment dans le traitement du mobilier aux places avant. Les tissus et les mélanges de matières sont assez réussis aussi.
Autant dire que je suis impatient de voir la suite, de voir si j’ai raison de regarder avec bienveillance le « renouveau » de Citroën… Je sais que les avis divergeront en commentaire de cet article, mais justement, vos avis sont intéressants, et je ne prétends pas avoir parole d’évangile : je n’exprime qu’un sentiment plutôt positif, sans tomber dans l’adoration. Je trouve que quelque chose d’intéressant se passe. Et vous ?